"20 000 pieux sur les mers"
Le maire Yannick Moreau s'exprime dans une tribune bien salée pour alerter le public sur le désastre éolien à venir.
« 20 000 pieux sur les mers ! »
Quand Éole empale Neptune...
" De la naissance du premier port maritime français, Montreuil-sur-Mer, en 988, au "One Ocean Summit" de Brest en 2022, il existe un pacte millénaire entre la France et l’Océan.
En métropole et Outre-mer, les littoraux sont le dessin de nos silhouettes et le dessein de tous nos rêves. Des rêves écrits à l’encre salée par La Fayette, La Pérouse, Jules Verne, Cousteau, Éric Tabarly, Florence Arthaud, Desjoyeaux ou Van Den Heede.
Seraient-ils partis à la conquête du grand large pour nous rapporter leurs trésors ces explorateurs, ces navigateurs, ces pêcheurs, ces aventuriers, ces pionniers, ces plaisanciers... s’ils n’avaient d’abord été saisis par la beauté simple d’un soleil couchant, appelés à la découverte de ce qui se cache derrière la ligne d’horizon, bercés par le roulis des vagues qui fredonne inlassablement l’antique chant d’Ulysse ?
Tout cet héritage naturel inviolé, tout cet imaginaire français, socles de notre caractère et de nos exploits, viennent d'être lâchement torpillés. Ce 11 janvier 2023, les députés ont livré notre littoral aux promoteurs éoliens. Plus de limite, plus de verrou, plus de frein : l’idéologie du courant d’air doit pouvoir circuler sans contrainte. Les projets de centrales éoliennes en mer se répartiront sur toutes les façades maritimes ; l’avis des élus et des habitants devra laisser le dernier mot à l’État ; il n’est plus fixé d’obligation de distance des côtes ou de seuil protecteur pour l’implantation d’éoliennes en mer.
Éole empale Neptune, fait tomber les masques et se lever la tempête : l’écologie d’État était bel et bien une idéologie destructrice ; elle est l’alliée du consumérisme progressiste qu’elle prétendait dénoncer ; tout, jusqu’aux paysages de nos châteaux de sable, sera livré aux champs d’éoliennes.
À son tour, la grande bleue sera contrôlée, planifiée, monétisée, consommée, industrialisée. Place aux nouveaux bords de mer : circulez, il n’y a plus rien à voir. Du haut des mâts gigantesques, plus rien ne se contemple. Vingt mille pieux sur les mers. Barrage sur l’Atlantique. Clignotants et aérogénérateurs sur les sentiers littoraux, vrombissement d’éoliennes autour des îles… Seraient-ce là les rêves et l'héritage que nous voulons laisser à nos enfants et petits-enfants ? Aurons-nous donc, en une génération, tout gâché, tout défiguré, tout consumé ? À leur tour, nos sanctuaires et nos cimetières marins seront-ils profanés ? Baudelaire, Chateaubriand, Brassens, réveillez-vous, ils sont devenus fous !
Et pourtant, un autre avenir est possible. Nous avons devant nous un océan de solutions, telles que ces éoliennes de seconde génération déployées en Chine, en Écosse ou ailleurs, flottantes, recyclables, locales, pouvant même bientôt fabriquer sur place une énergie hydrogène inépuisable sans tapisser les fonds de centaines de kilomètres de câbles supplémentaires…
Nous autres, les 8 millions de Français habitant sur les littoraux, nous autres, 1000 « maires des mers», gardiens vigilants des communes du littoral, aux avant-postes de la montée des océans, de l’érosion du trait de côte, de la conjugaison harmonieuse des activités maritimes, nous le savons, nous le vivons : la mer, c’est la liberté et le dernier espace qui échappait aux formulaires, aux zones industrielles et aux vacarmes de ce monde.
Maire de cette terre vendéenne où les moulins se plaisent plus que les éoliennes, maire de la cité du Vendée Globe, devrais-je demain voir partir nos marins pour un tour du monde en solitaire et buter sur de nouveaux champs d'éoliennes au large du chenal des Sables d'Olonne, des îles d'Yeu et de Ré ?
Ici, comme nos communes sœurs des littoraux métropolitains ou ultramarins, nous avons vécu les drames que le sort nous envoie. L’Erika, le Prestige et leur marée noire souillant nos côtes, nos plages et nos oiseaux. Xynthia et ses ravages dans nos ports, nos forêts, nos maisons. La mort de nos sauveteurs au grand cœur qui ont donné leur vie pour tenter d’en sauver une autre. À chaque fois, nous avons fait face. À chaque fois nous nous sommes relevés plus forts.
Voici donc émerger une nouvelle menace délibérée, imposée, inédite qui s'apprête à sacrifier sans vergogne et sans procès notre identité maritime, notre art de vivre littoral, et la beauté immaculée de nos paysages maritimes.
Qui de nous ou de la mer en mourra le premier ? Qui de nous ou de la mer se mettra le premier en colère ? Peut-être les deux…
Il existait pourtant un pacte millénaire entre la France et l’Océan. "
Yannick Moreau ,
Maire des Sables d'Olonne,
Président de l'Association Nationale des Élus du Littoral (A.N.E.L.)
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